Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 25 novembre 2023

Zu, les guerriers de la montagne magique - Suk san: Sun Suk san geen hap, Tsui Hark (1983)


 Au Xe siècle, quelque part en Chine, un jeune éclaireur de l'armée et un moinillon se retrouvent mêlés au combat mortel que se livrent un terrible démon qui cherche à détruire l'Humanité et la souveraine d'un palais céleste dont le pouvoir immense est seul capable de combattre la magie du monstre.

Zu, les guerriers de la montagne magique s’inscrit dans un mouvement général de rénovation du wu xia pian (film de sabre chinois), et plus particulièrement son pendant fantastique, au sein du cinéma hongkongais. Dans le sillage du film de Tsui Hark sortent en effet d’autres films mixant effets spéciaux modernes et intrigues typiques du genre, donnant des objets inclassables tels que Buddha’s Palm de    Taylor Wong (1982), Holy flame of the martial world de Lu Chun-ku produits par la Shaw Brothers. Zu constitue donc la tentative de la firme concurrente de Golden Harvest dans ce registre qui correspond aussi pleinement aux aspirations de Tsui Hark. Dès l’inaugural Butterfly Murders (1979), le réalisateur avait tenté de croiser le wu xia pian au récit à mystère façon Chu Yuan, mais à travers une esthétique moins luxuriante que les productions Shaw Brothers notamment en privilégiant le tournage en extérieur. 

Ce sera le cœur de sa démarche à la création de sa compagnie Film Workshop, où ses meilleurs films croiseront genre et contes traditionnels chinois avec une relecture thématique ainsi qu’esthétique moderne et plus personnelle, dont les réussites majeures seront la trilogie Histoire de fantômes chinois (1987, 1990, 1991), les trois premiers volets de la saga Il était une fois en Chine (1991, 1993), Green Snake (1993), The Lovers (1994) et The Blade (1995). En ce début des années 80, Tsui Hark n’a pas encore atteint la maîtrise pour livrer une œuvre se situant à ces hauteurs, puisqu’il ne s’agit que de son cinquième film et de son premier gros budget – le plus grand alloué à un film hongkongais pour l’époque.

Il doit en effet se démener entre la narration frénétique du roman de Huanzhulouzhu dont le film est adapté, et la gestion des différents effets visuels pour lesquels ont été engagés la crème des techniciens hollywoodiens ayant travaillés sur la saga Star Wars de George Lucas, Star Trek, le film de Robert Wise (1979) et Tron de Steve Lisberger (1982). Le résultat demeure aujourd’hui ce film foisonnant et éreintant à suivre, mais absolument fascinant et hypnotique par la série de tableaux luxuriant qu’il donne à voir. Si la confection du film semble viser une exploitation internationale (Zu sera notamment projeté au Festival International de Paris en 1984), le résultat en demeure profondément chinois et assez peu exportable en définitive.

Le fil rouge global semble être l’impossible harmonie et union à atteindre pour l’humanité, qui lui permettrait de faire face au chaos de la guerre ou à une menace démoniaque plus périlleuse encore. Ce motif est retravaillé tout au long du récit, tout d’abord de façon burlesque dans la séquence d’ouverture où la division est signifiée par les codes couleurs des multiples armées (au sein desquelles les alliés peuvent se retourner l’un contre l’autre pour un rien) mais permettant malgré tout l’amitié au-delà d’enjeux qui les dépasse par les malheureux Sammo Hung et Yuen Biao. Lorsque le film bascule dans le fantastique, ces mêmes élans belliqueux et orgueilleux empêche l’union du bien représenté par le guerrier Ting Yin (Adam Cheng) et le moine Hsiao Yu (Damian Lau) d’empêcher l’éveil du mal, tout comme la gracieuse mais indomptable Dame des glaces (Brigitte Lin). 

Cette facette constitue clairement le cœur émotionnel et thématique du récit, d’abord traité en filigrane avant de se concrétiser dans un climax où la fusion des épées, l’harmonie du duo de héros oppose une plénitude bouddhique au chaos que représentent les forces démoniaques. Entretemps l’histoire nous a certes perdu dans ses ruptures de ton, l’oubli temporaire de ses enjeux (le compte à rebours initié au début disparaît pour revenir dans la dernière ligne droite) mais Tsui Hark maintient notre attention par sa maestria visuelle. La grâce hiératique et sensuelle de Brigitte Lin envoûte dans le somptueux décor du palais de glace, les visions dantesques d’un bestiaire varié amènent une sidération et décalage ludique. Même si certains effets spéciaux ont forcément vieilli, l’idée prévaut comme toujours avec tant de force chez Tsui Hark que l’on se trouve emporté par le maelstrom d’un véritable spectacle son et lumière ne nous laissant pas un instant de répit – quelques secondes d’inattention et l’on se surprend à être dans un nouvel environnement, aborder une autre situation. Zu est une pierre fondamentale à l’édifice grandiose que va façonner Tsui Hark dans les années à venir. 

Sorti en bluray chez HK Vidéo

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