Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 9 avril 2024

Silent Running - Douglas Trumbull (1972)

Dans le futur, la Terre a été dévastée par la guerre et les catastrophes. Tout ce qui reste de la faune et de la flore a été préservé dans l'espace, à bord de serres gigantesques arrimées à des vaisseaux spatiaux orbitant autour de Saturne. A bord du «Valley Forge», un des appareils de la flotte, quatre hommes sont chargés de veiller sur les serres. Quand, un jour, arrive l'ordre de détruire la cargaison et de rentrer sur Terre, un des membres de l'équipage, le professeur Lowell, se révolte. Il veut sauver les plantes et les animaux de son vaisseau.

Douglas Trumbull avait fait sensation pour les prouesses réalisées sur les effets spéciaux de 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Promu génie à tout juste 26 ans lors de la sortie du film, Trumbull décide donc de se lancer dans une carrière de réalisateur qui sera malheureusement une longue suite de frustrations avec de nombreux projets avortés et seulement deux films signés. Sa renommée se fera ainsi de nouveaux par ses innovations en termes d’effets visuels sur certains classiques (Rencontre du troisième type de Steven Spielberg (1978, Star Trek, le film de Robert Wise (1979), Blade Runner de Ridley Scott (1982)), mais aussi dans la révolution qu’il apporte aux conditions de projection par certains procédés de son invention comme le ShowScan. 

Au-delà de ce talent d’ingénieur, Trumbull était aussi un réalisateur visionnaire comme le montre cet inaugural Silent Running. Le film anticipe ainsi l’urgence écologique actuelle, imaginant une planète terre délestée de sa faune et sa flore, et l’humanité forcée d’artificiellement la reconstituer au sein d’immense serre déployée dans l’espace. Non seulement le postulat est en avance sur son temps pour les conséquences(à l’instar du tout aussi alarmiste Soleil Vert de Richard Fleischer (1973)), mais aussi l’observation d’une certaine d’indifférence face au péril. Lowell (Bruce Dern), sorte de garde-forestier spatial en charge de préserver les serres fait face à l’inconscience de ses compagnons, conditionnés à une terre sans verdure, une nourriture industrielle sans goût et voyant en Lowell un illuminé. Trumbull matérialise par ce microcosme le mépris d’hier et d’aujourd’hui sur ces questions, Lowell représentant lui un pur cas d’anxiété écologique.

Dès les premières scènes la bêtise et la connivence du groupe s’illustre avec Lowell seul d’un côté, en harmonie avec cette nature reconstituée tandis que les autres s’adonnent à une course de véhicules dans les espaces vides du vaisseau. La rencontre entre les deux entités témoigne du mépris du groupe pour le havre de paix de Lowell et ce qu’il représente, en foulant de leurs engins la verdure fragile. Tous les échanges et dialogues à suivre ne feront qu’appuyer cette première impression. Les séquences spatiales bénéficient évidemment d’effets spéciaux sidérants encore aujourd’hui, mais la symbolique qu’y insère Trumbull fait oublier la prouesse technique. Les serres sont comme des anomalies ajoutées à l’architecture du vaisseau, une ultime parcelle organique s'accrochant à l'acier désincarné, et tout comme Lowell est seul dans sa préoccupation écologique en intérieur, cette nature préservée semble une étincelle de vie isolée dans l’immensité obscure de l’espace. 

Lorsque l’intérêt commercial va primer sur la préservation de la nature et amener détruire les serres, ce sera l’écart de trop pour Lowell qui va franchir la ligne rouge. Désormais seul voyageur à bord, il va lutter entre la culpabilité d’un geste fatal et la conviction d’avoir eu le comportement juste. Bruce Dern seul à l’écran pratiquement toute une moitié de film est impressionnant, oscillant entre douceur et folie douce. La complicité entretenue avec les robots (au design aussi fonctionnel qu’anthropomorphique) exprime à la fois la solitude profonde du personnage, mais dans un sens le prolongement d’une préoccupation écologique ne pouvant se poursuivre que par l’abnégation d’êtres artificiels plus responsables que l’humanité – préfigurant le Wall-E (2008) produit par les studios Pixar. 

C’est une manière de scruter la santé mentale vacillante de Lowell à travers une atmosphère schizophrène. Trumbull nous laisse de cette manière sur un constat à la fois pessimiste et optimiste pour l’humanité. D’un côté, on considère presque comme un fou et illuminé le lanceur d’alerte, mais de l’autre son message est destiné à traverser le temps et l’espace malgré la folie des hommes. Un vrai beau classique SF, à la fois intemporel et inscrit de manière charmante dans son époque avec la bande-son flower power marquée par les mélopée folk de Joan Baez.

 Sorti en bluray français chez Wild Side

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