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mardi 30 avril 2024

Trois milliards d'un coup - Robbery, Peter Yates (1967)


 Paul Clifton constitue une équipe de criminels afin d’effectuer le vol du siècle dans un train postal qui relie Glasgow à Londres.

Trois milliards d’un coup est le film le plus directement inspiré du « casse du siècle », soit le braquage du train postal Glasgow-Londres qui le 8 aout 1963 fut l’objet d’un butin de 3 millions de livres. Le méfait fit sensation et irrigua le polar des années 60, inspirant des films de casse plutôt loufoque comme Le Cerveau de Gérard Oury (196) ou L’Or se barre de Peter Collinson (1969). Le film de Peter Yates se distingue par son sérieux, voire sa rigueur documentaire sans faille pour revenir sur l’évènement. Cela est dû au matériau originel puisque le scénario adapte le livre de Peta Fordham, l’épouse de l’un des avocats plaidant dans le procès de l’affaire. 

Le déroulé méticuleux du braquage est l’aspect le plus directement rapporté dans le film puisque largement exposé durant le procès. Pour le reste, Yates et ses scénaristes brodent une intrigue imaginaire pour plusieurs raisons. La majorité du butin n’ayant jamais été retrouvé, l’affaire comportait encore de large zone d’ombre, et son instruction encore en cours ne permettait pas de révéler des détails trop précis. Peter Yates fait donc le choix d’une épure extrême, optant pour une intrigue minimaliste dans laquelle il s’appuie sur un casting de trognes charismatiques, le taiseux Stanley Baker en tête.

La scène d’ouverture électrisante sert à témoigner à la fois de l’ingéniosité et de la détermination sans failles de notre groupe de criminels. Le clou de ce morceau de bravoure est une incroyable poursuite en voiture dans Londres où ils vont semer la police, laissant deviner l’habitude de ces situations par leur sang-froid et l’absence d’hésitation lorsqu’il s’agira de foncer dans une ruelle traversée par des enfants. La légende veut que cette séquence ait valu à Peter Yates son engagement sur Bullitt par un Steve McQueen impressionné. Tout cela n’est cependant qu’une mise en bouche pour l’objectif plus ambitieux et le butin plus conséquent du train postal Glasgow-Londres. Le style sec et nerveux instauré par la poursuite se prolonge à travers les longs préparatifs du casse, dont nous suivons toute la logistique, de l’enrôlement (parfois forcé) des « professionnels » les plus aptes dans leurs domaines aux choix de matériel en passant par les repérages topographiques.

Cette volonté de minimaliste rend la narration très efficace, ne déviant jamais de sa ligne pour des intermèdes de caractérisation plus poussée des personnages. Même quand une scène de ce genre semble intervenir, ce n’est que pour servir cette froideur et s’éloigner de tout sentimentalisme, notamment lors d’une dispute entre Stanley Baker et sa compagne. Tout le groupe forme une sorte de cheville ouvrière fixée sur un seul et unique but, la réussite du braquage et l’obtention du butin. C’est d’ailleurs une évidence que la seule faille, l’unique grain de sable dans cette horlogerie intervienne avec la maladresse du seul personnage n’ayant pas souhaité être là, celui dont les pensées sont davantage obnubilées par sa famille que par l’argent. Cette humanité est une faiblesse dans ce cadre et les conséquences en seront lourde.

On reste dans la rigueur anti spectaculaire durant l’attaque, chaque action étant savamment nécessaire et dépourvu d’affect – le choix de ne pas utiliser d’arme parfaitement réfléchi. Toute individualité s’estompe quand nos braqueurs cagoulés ne se distinguent plus avec leur cagoule et la parfaite synchronisation de chacune de leurs manœuvres. Ce n’est que quand l’édifice se disloque que cette métronomie fait défaut, par exemple à la fin quand le groupe ignore le signal habituel pour aller à la rencontre des véhicules supposés les ramener, mais qui s’avèrent conduits par la police. Finalement le seul à n’avoir jamais dérogé de sa ligne, abandonnant complices et proches sur sa route sans se retourner, sera le vainqueur, pour un temps du moins comme le souligne le point d’interrogation ajouté au The End. Une merveille de polar. 

Sorti en bluray français chez StudioCanal

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