Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 18 janvier 2025

Juste avant la nuit - Claude Chabrol (1971)


 Charles Masson, un père de famille et chef d'entreprise, trompe sa femme Hélène avec Laura... qui est la femme de son meilleur ami François. Les deux amants se retrouvent dans un hôtel parisien, où Laura pousse Charles à des jeux pervers. Un jour, alors qu'elle lui demande de faire semblant de la tuer, il l'étrangle pour de bon. François ne tarde pas à découvrir que sa femme le trompait...

Juste avant la nuit est un des derniers films de la période "pompidolienne" de Claude Chabrol, et propose justement un postulat voisin d'un des premiers films du cycle, La Femme infidèle (1969). Le film, adapté du roman The Thin Line de Edward Atiyah (roman déjà adapté précédemment par Mikio Naruse avec L'Étranger à l'intérieur d'une femme (1966)), revisite ainsi le postulat de La Femme infidèle en inversant plusieurs pièces de son puzzle pour un résultat assez différent. Chabrol réintroduit le couple bourgeois du film de 1969 avec Michel Bouquet et Stéphane Audran, c'est cette fois l'époux qui s'avère infidèle mais qui de nouveau endosse la culpabilité d'un crime. Quand ce crime était à la fois une ardente preuve d'amour et une volonté de maintenir l'illusion de bonheur de ce vernis bourgeois, il s'agit là presque d'un acte manqué afin de le faire imploser dans un pur geste pulsionnel.

Chabrol façonne un vrai schisme entre la présence éteinte de Charles (Michel Bouquet) et justement la véritable vitrine d'épanouissement bourgeois de son environnement. Epouse aimante et attentive avec Hélène (Stéphane Audran), enfants vifs et tendre, maison à l'architecture moderne et à la topographie pensée pour une vie de famille moderne et épanouie, rien ne manque. C'est justement ce bonheur trop éclatant qui ronge d'autant plus Charles rongé par la culpabilité de son acte, et Chabrol joue sciemment de la torpeur et de l'ennui dans l'illustration de ces moments trop radieux. 

Dès lors Charles va chercher volontairement à casser son jouet, par les aveux de son infidélité puis de son crime à Hélène, puis même à son meilleur ami François (François Perrier), mari de la victime. La réaction des intéressés est pourtant inattendue, amorphe et peu revancharde pour François, compréhensive et bienveillante pour Hélène. François est le concepteur de cette vitrine bourgeoise puisque l'architecte de la maison ultramoderne de Charles, tandis qu'Hélène est le "produit" phare de cette vitrine en maîtresse de maison idéale et enviée. La rancœur n'a pas sa place dans ce culte des apparences, ce que Charles en plein masochisme coupable ne peut concevoir.

Chabrol dans sa manière de film l'intérieur de la maison souligne la facticité des rapports qui s'y nouent. Il y a une sorte de texture de papier glacé publicitaire dans l'espace domestique, une maison témoin appuyé par la topographie moderne. Les joies d'une matinée de noël semblent presque forcées et jouées (du moins elle l'est par Charles), lors d'une scène Hélène a presque une vue de "cliente" dans la vitre d’une chambre donnant sur le salon, et la mine morne de Charles fait tache dans la perfection de la maison-témoin. Les confessions de Charles laissent entendre que le lâché prise de son crime lors d'un jeu érotique l'ont davantage laissé exprimer la réalité de son être que lors des moments radieux en famille. 

A l'inverse, les lits séparés du couple Charles/Hélène témoigne d'une sensualité plus éteinte malgré la sensualité et l'élégance toujours dégagée par Stéphane Audran. Cette dernière, faussement effacée durant une grande partie du film, est en fait le pendant du Michel Bouquet de Une femme infidèle puisque prête à l'impensable aussi pour maintenir les apparences. Mais quand Une Femme infidèle déployait un incroyable souffle romantique par la révélation et l'exécution de l'acte fatal, il se dégage ici une terrible froideur où l'on ne sait qui qualifier du plus égoïste. Michel prêt à tout briser pour sa paix intérieure, ou Hélène prête à le sacrifier afin de maintenir un train de vie et ces apparences. La réponse est sans doute à chercher dans la sous-intrigue montrant un employé abandonnant femme et enfant et volant la caisse pour goûter les joies de la romance avec une compagne plus jeune.

Sorti en dvd zone 2 français chez Paceonic Films

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