En ce milieu des années 60, Steve McQueen s’est définitivement imposé comme le nouveau « american hero ». Il a réussi à faire fructifier la notoriété de son rôle télévisé de la série Au nom de la loi dans les deux immenses succès de John Sturges que sont Les Sept mercenaires (1960) et La Grande évasion (1962). Entre ces grands rôles virils, McQueen n’aura cependant cessé d’explorer une certaine forme de vulnérabilité avec le soldat à fleur de peau de L'enfer est pour les héros (1962) ou l’amoureux de Une certaine rencontre de Robert Mulligan (1963). McQueen retrouve ce dernier dans Le Sillage de la violence, adapté de la pièce de Horton Foote jouée en (1954). C’est l’auteur lui-même qui en signe le scénario pour en faire un vrai véhicule pour Steve McQueen. En effet la pièce dont le titre original est The Traveling Lady était centrée autour du personnage féminin incarné dans le film par Lee Remick.
Ce remodelage rend soudainement le récit beaucoup plus personnel pour McQueen avec ce personnage de Henry à l’enfance meurtrie, à la violence contenue et rebelle à son environnement – soit beaucoup de lien avec le passé de l’acteur sauvé de la marginalité par la vocation d’acteur. Nombre de films de Robert Mulligan sont une confrontation de figure (concrète ou symbolique) d’enfants face à la réalité d’un monde adulte où ils vont apprendre et grandir (Du silence et des ombres (1962), Un été 42 (1971), Un été en Louisiane (1991)) ou alors perdre pied (Daisy Clover (1965), L’Autre (1972)). Ce monde adulte s’incarne à travers une ruralité américaine lumineuse mais qui révèlera ses pans torturés et Le Sillage de la violence ne déroge pas à la règle. Henry est un jeune homme torturé, marqué par une enfance faite d’abandon et de maltraitance qui l’a fait passer par la prison. Amené à retrouver femme (Lee Remick) et enfant qu’il connaît à peine. Il est justement resté un homme-enfant sollicitant ou subissant l’autorité de son ancienne tortionnaire et tutrice Mademoiselle Kate. Mulligan réduit au maximum les apparitions de celle-ci, faisant d’elle une barrière avant tout psychologique pour Henry dont le traumatisme s’illustre par cette demeure où il souffrit tant enfant. Mulligan filme ce lieu comme une bâtisse gothique hantée par le souvenir, dont la photographie d’Ernest Laszlo souligne les jeux d’ombres et où les cadrages ramènent l’adulte Henry à sa condition d’enfant apeuré.Les scènes de construction de cette cellule familial sont superbement touchant, Mulligan excellant à saisir les moments de creux, de complicité simple à travers un regard et souligne avec une sensualité sobre l’attrait intact entre McQueen et Remick. Mais ces instants ne tiennent qu’à un fil, et cette instabilité est représentée par les séquences musicales où Henry laisse exploser sa passion et ses démons. McQueen (doublé au chant) est impressionnant d’intensité, le regard fou, la gestuelle fiévreuse où il enthousiasme autant qu’il effraie emporté par la musique. Cette soupape lui est pourtant refusé post-mortem par son ancienne tourmenteuse et l’emmener vers le point de non-retour. Sans être un des sommets de Mulligan, Le Sillage de la violence (titre français assez hors-sujet) est donc un solide et poignant drame rural porté par une des plus belles interprétations de Steve McQueen.
Sorti en bluray et dvd zone français chez Rimini
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