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mardi 9 janvier 2024

The Teckman Mystery - Wendy Toye (1954)


 Un biographe qui cherche à écrire un livre sur un pilote mort lors du vol d'essai d'un nouvel avion tombe amoureux de la sœur du pilote. Alors qu'il en découvre davantage sur le vol d'essai, des personnes liées à l'affaire commencent à mourir.

The Teckman Mystery est le premier long-métrage de Wendy Toye, une des rares femmes réalisatrices du cinéma anglais de l'époque (avec une Muriel Box également) et personnalité très intéressante. Elle est à l'origine danseuse de ballet et chorégraphe au début des années 30, période durant laquelle est amenée à travailler avec de futures références du cinéma comme Carol Reed ou Jean Cocteau. Elle travaille justement très vite pour le cinéma, comme actrice sur Dance Pretty Lady d'Anthony Asquith (1931) et Invitation to the Waltz de Paul Merzbach (1935) puis se partagera ensuite entre sa prolifique carrière scénique et des incursions cinématographiques.

Son sens visuel et sa capacité à gérer des équipes incitent des amis et producteurs à passer à la réalisation. Son galop d'essai sera le court-métrage The Stranger Left No Card (1952) récompensé au Festival de Cannes, et plus tard On the Twelfth Day… (1955), un autre de ses courts sera nommé à l'Oscar. Entre les deux elle signe donc The Teckman Mystery, qui est l'adaptation de la série télévisée éponyme diffusée en six épisodes sur la BBC en 1953. On décèle beaucoup cette origine dans la narration du film fonctionnant sur autant de rebondissements qui devaient constituer d'haletants cliffhangers dans la série.

Le scénario suit l'écrivain Philip Chance (John Justin), engagé par son éditeur pour écrire la biographie de Martin Teckman, pilote d'essai ayant trouvé une mort tragique durant le vol d'un avion expérimental. Chance s'interroge sur l'intérêt d'écrire sur cet homme et sonde sans conviction certains membres de son entourage, constatant les conditions finalement mystérieuses de sa disparition. Les morts s'accumulent bientôt autour de Chance, qui comprend les accointances douteuses qu'entretenait sans doute le défunt, y compris dans sa propre famille avec sa sœur Helen (Margaret Leighton). Nous sommes clairement sur le modèle du thriller d'espionnage tortueux et nébuleux façon Le Troisième Homme, mais paradoxalement sans le ton paranoïaque ni l'esthétique oppressante de ce dernier. On navigue dans des espaces banaux, de l'appartement cossu de Chance à des restaurants luxueux et des espaces publics et urbains londoniens chatoyants. La mise en scène de Wendy Toye se fait fonctionnelle une bonne partie du film, mais plus le récit avance plus l'on comprend que ce parti-pris de "normalité" est en partie voulu. 

En effet, le héros Philip Chance nous apparaît d'une rare frivolité, épicurien obsédé par l'argent, l'alcool (le moindre moment de relâche est l'occasion de se jeter un verre de whisky, c'est impressionnant) et les femmes. Il accueille les évènements tragiques qui lui arrivent avec une totale désinvolture, totalement aveugle dans ses jugements (on anticipe plus vite que lui la générosité d'un mécène l'envoyant en reportage à Berlin, la duplicité d'un personnage féminin est très claire sauf pour lui) et semble plus suivre l'enquête que la mener. John Justin fit ses débuts (sur Le Voleur de Bagdad (1940) où Wendy Toye était justement chorégraphe) en tant que jeune premier et là désormais plus mûr apporte une sorte de sophistication stylisée et superficielle qui sied bien au personnage décalé de Philip Chance.

La dernière partie relie enfin la surface banale et la trame criminelle, en confrontant Philip Chance à la terrible vérité. Le passif de chorégraphe de Wendy Toye se ressent à travers une aussi fluide qu'haletante scène de filature (French Connection avant l'heure) dont l'issue invite justement la noirceur de Le Troisième Homme, et la conclusion préfigure carrément le Vertigo d'Alfred Hitchcock dans le fond (un héros manipulé car aveuglé par ses sentiments) et la forme par une scène anticipant vraiment l'ultime confrontation de Vertigo. Un thriller en définitive bien plus intéressant que ses prémisses plan-plan laissaient augurer, et rend plutôt curieux de voir d'autres réalisations de Wendy Toye.

Sorti en bluray anglais et sous-titré anglais chez Studiocanal

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