Les années 60 sont une sorte d'âge d'or du film de "commando", sous-genre du film de guerre popularisé par le succès de Les Douze salopards (1967) de Robert Aldrich (et avant lui Les Canons de Navarone de Jack Lee Thompson (1961) et qui aura nombre d'avatars divertissants dans le cinéma hollywoodien tout comme le cinéma bis italien. Et pourtant le filon ne naît pas du film d'Aldrich mais plutôt de Roger Corman avec L'Invasion secrète avec lequel, une fois n'est pas coutume, il se trouve initiateur plutôt que suiveur opportuniste d'une mode. Le postulat est effectivement quasi similaire à Les Douze Salopards avec ce groupe de reprise de justice engagé pour une mission suicide en échange de leur grâce. Les étapes en seront les mêmes aussi avec le recrutement, la mission et ses imprévus mais Corman en initiant ce type de film se montre finalement plus surprenant que ses successeurs. La narration et l'esthétique obéissent à une pure logique et efficacité de série B, même si la production est un poil plus nantie que les budgets habituels de Roger Corman. On devine ainsi les stock-shots habilement insérés lors des premières scènes où l'équipe est recrutée au Caire, et plus tard Corman trousse un redoutable suspense maritime entre un bateau de pêche où sont dissimulés nos héros et un navire allemand rôdant aux alentours. Bien évidemment rien n'a été tourné en mer mais les effets de brume, un montage astucieux et une mise en scène au cordeau font parfaitement illusion pour nous tenir en haleine. A l'inverse dès qu'il peut disposer d'un décor naturel spectaculaire, Corman sait l'exploiter au maximum avec les vues majestueuses de cette ville de Dubrovnik dont on admire le panorama avant d'en sillonner les toits sous le feu allemand, faire du repérage dans les rues ou user des sites les plus stylisé comme ce cimetière.Les protagonistes sont dans un premier temps caractérisé à gros traits selon la présentation de leurs aptitudes et passif criminel (le faussaire, le maître du déguisement, l'expert en explosif) mais le choix d'acteurs charismatiques et de vraies "gueules" suffit à les imposer dans une intrigue allant droit au but. Ce qui deviendra un archétype pour certains est en partie déjoué ici comme avec le taciturne Henry Silva qu'on imagine précurseur du Telly Savalas de Les Douze Salopards mais qui s'avère plus torturé que réellement néfaste. La mort semble planer au-dessus de lui à ses dépens notamment lors d'une scène choc le forçant à un acte terrible pour survivre. L'acteur n'est pas encore dans le registre des psychotiques qui le rendra célèbre et s'avère très intéressant, tout comme Raf Vallone (vrai héros du film et là aussi précurseur du Charles Bronson chez Aldrich en bras droit solide) et un Stewart Granger vieillissant mais solide en chef aux enjeux plus personnels.Côté grand spectacle, on est plutôt bien servi grâce à la variété des morceaux de bravoure et une nouvelle belle exploitation des environnements. Le duel psychologique avec un officier allemand débouchant sur une invasion, la fabuleuse course-poursuite finale où nos héros arpentent une colline poursuivis par une garnison allemande, Corman sait y faire et impose quelques visions dantesques grâce à l'apport du personnel et matériel militaire par le gouvernement Yougoslave. Donc finalement et dans une moindre mesure Corman propose les personnages haut en couleurs de Les Douze salopards, la pyrotechnie et le cadre spectaculaire de Quand les aigles attaquent (1968) et y ajoute un scénario plus imprévisible qu'il n'en a l'air, notamment lors de sa poignante conclusion. Belle découverte !
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