Teresa et Pedro
forment un couple sans histoires. Lui travaille, elle s'ennuie. Mais lorsqu’arrivent
dans la maison meubles et babioles en héritage, c'est tout un ensemble de
souvenirs qui vient envahir Teresa. Les conséquences vont être... étonnantes.
La Madriguera
vient magistralement conclure la trilogie du couple de Carlos Saura, creusant
un sillon encore différent de Peppermint frappé (1967) et Stress-es tres-tres
(1968). Chacun des films dessine un triangle amoureux dont le frustré se réfugie
dans un imaginaire (Peppermint frappé)
ou un refoulement (Stress-es tres-tres)
maladif, toujours guidé par la volonté de possession et de domination dans le
couple. L’intrus s’immiscent dans le couple en déclenchera toujours la destruction
ou une déformation monstrueuse. Avec La
Madriguera, Carlos Saura ne fait plus de cet intrus un amant envieux ou un
déclencheur de jalousie, mais tout simplement le passé.
Le couple formé par Teresa (Geraldine Chaplin) et Pedro (Per
Oscarsson) voit son quotidien perturbé le jour où Teresa hérite des meubles de
sa maison familiale. Les souvenirs, la nostalgie et tout simplement la vie
associée à ses objet jure avec la modernité froide et neutre du domicile
conjugal, à l’architecture high-tech typique du boom économique 60’s. Saura
observe longuement la vie terne du couple, parfaitement organisé entre le
travail à l’usine de Pedro et l’attente sans but que constitue les journées
solitaire de Teresa. Le vide de cette maison moderne correspond à celui de leur
relation guère plus chaleureuse lorsqu’ils se retrouvent, ce face à face
stérile fait d’habitudes se concrétisant par l’absence d’enfant au sein du
couple.
Les meubles de Teresa provoquent d’étranges phénomènes à
travers des crises de somnambulisme où elle régresse en enfance sous les yeux
médusés de son mari. Ces reliques du passé d’abord reléguée à la cave
envahissent progressivement la maison, une manière pour Teresa de se
réapproprier un espace qu’on devine entièrement façonné par Pedro. Celui-ci
tente d’abord de s’opposer à l’intrusion de ces « vieilleries » dans
lesquelles il voit sa mainmise déclinante sur Teresa. Il suffira pourtant d’un
weekend en solitaire où le couple, hors des regards des domestiques et du
bonheur feint pour les invités, pour se soumettre à l’influence de cet élément
perturbateur.
Ce passé sera en fait un vecteur d’imaginaire d’abord
inconscient (encore que Saura laisse planer une certaine ambiguïté) puis ludique
à travers les jeux de rôles qu’il éveille au sein du couple enfin complice.
Pourtant chacune de ces jeux va révéler une faille de leur mariage, comme
souvent avec Saura la joie et l’exubérance dissimulant un profond malaise. Qu’ils
s’amusent de leurs amis n les écoutant à leurs insu et ils sauront ce que ces
derniers pensent vraiment d’eux, détruisant l’image sociale qu’ils pensaient
renvoyer. Qu’ils stimulent leur libido en changeant d’identité physique et ils
auront le choc de voir l’autre plus ardent qu’il ne l’a jamais réellement été
pour eux-mêmes. Plus le jeu est infantile plus il est prétexte à inverser le
rapport de force (Teresa brutalisant Pedro qui fait semblant d’être un chien),
à dominer l’autre (Pedro endossant l’autorité du père de Teresa redevenue
petite fille, fessée à l’appui) et interpréter des situations qu’ils n‘ont
jamais connu avec ce simulacre d’accouchement.
Comme dans les deux précédent
films, l’imaginaire donne à voir une vision tordue du couple dans ce qu’il n’est
pas ou plus notamment une des dernières scènes où ils rejouent leur premier
dîner amoureux en tête à tête. Loin de les ressouder, cette réminiscence leur
rappellera au contraire à quel point ils sont désormais loin des sentiments purs
d’alors. La dernière partie rend cette théâtralité de plus en plus ténue
et violente, la vraie haine mutuelle ne se cachant plus. Carlos Saura distille
une atmosphère oppressante et bergmanienne où la chaleur ne viendra que du jeu
enfiévré de Geraldine Chaplin qui de l’aveu du réalisateur a inspirée nombres
de situations dérangeantes du film auxquelles elle a assistée ou vécue. Comme
dans les deux œuvres précédentes le final est un véritable choc qui achève en
apothéose cette trilogie du couple.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
Extrait
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