Fernando, architecte,
emmène son associé, Antonio, visiter des terrains à bâtir à Almeria. Son
épouse, Teresa, les accompagne. Ces deux derniers semblent bien complices.
Seraient-ils amants, ou Fernando serait-il victime de ce fameux « stress » dont
l'Espagne commence tout juste à parler ?
Stress-es tres-tres
est le deuxième volet de la « trilogie du couple » de Carlos Saura et
constitue un vrai film jumeau de l’inaugural Peppermint frappé (1968). On y retrouve la critique de la bourgeoisie
espagnole à nouveau à travers un triangle amoureux fait de frustration et de
jalousie. L’influence d’Antonioni déjà perceptible dans Peppermint frappé s’affirme encore plus avec l’aridité du récit
mais aussi de l’environnement parcouru par les protagonistes. Fernando (Fernando
Cebrián) est en architecte effectuant un périple en voiture en compagnie de son
épouse Teresa (Geraldine Chaplin) et son ami et associé Antonio (Juan Luis
Galiardo) en vue de visiter des terrains à Almeria. Dans Peppermint frappé, c’est le protagoniste à l’imaginaire
obsessionnel et maladif qui se trouvait rejeté du triangle amoureux, le couple
constituant une entité unie face au meilleur ami. Carlos Saura inverse ici le
rapport de force avec la jalousie naissante de Fernando face au rapprochement
qu’il observe entre sa femme et son ami. Fernando et son tempérament austère,
ses préoccupations terre à terre, va donc au fil du trajet se trouver exclu
devant la fantaisie complice de Teresa et Antonio.
L’isolement et sècheresse des décors montagneux à perte de
vue exacerbe la paranoïa de Fernando qui fantasme et façonne presque par son
attitude la proximité d’Antonio et Teresa. Il les abandonne seuls sur la route
pour mieux les espionner à la dérobée armé d’un objectif, chaque échanges,
regard et geste partagé devient aveux d’adultère sous le regard du jaloux. L’épisode
d’un accident de la route sanglant devant notre trio impuissant va exacerber
les émotions et la tension naissante. Saura exprime cette idée par la dimension
infantile qu’il attribue à cette bourgeoisie espagnole. Fernando se comporte en
gamin capricieux et colérique quand Teresa repousse ses inhabituelles et
maladroites manifestations d’affection. Dès lors il tente de s’imposer à son
épouse par une virilité inappropriée, cherchant à être obéit sur des détails
futiles et faisant carrément le coq lors d’une longue scène où il la tourmente
à moto. Ce sont ces seuls moyens d’attirer l’attention, quand son rival exprime
sa masculinité sous un meilleur jour (son physique avantageux en maillot de
bain et Teresa qui vient naturellement lui passer de la crème solaire) et faire
preuve d’une décontraction et d’un humour bien plus attirant que son attitude
taciturne.
Peu à peu on comprend que cette infantilité (on passe en fait du déjà immature marivaudage adolescent à la vraie régression en enfance) s’étend au trio
entier chacun à sa manière, le désert d’Almeria renvoyant au vide de leur
caractère. Le final sur la plage sert de révélateur à la vacuité qui guide les
personnages. Geraldine Chaplin réunit en seul rôle la dualité de sa double interprétation
de Peppermint frappé, sa distance
désinvolte face à son époux se faisant alors qu’elle porte une perruque blonde.
Lorsqu’elle l’enlève à la plage et redevient brune, cette relative part de
mystère s’estompe pour laisser voir une femme-enfant exaspérante (perceptible
mais plus mesurée quand elle était blonde) soumettant ses compagnons à des jeux
de plage stupides qui ne font qu’accroitre leur rivalité. Le caractère léger et
spirituel d’Antonio et ses remarques semblent également tourner à vide faute d’audience,
pour simplement se faire cruelle envers Fernando. Sans paraître
particulièrement séduit par Teresa, il s’amuse de voir son ami ruminer. Le
fantasme à réaliser était moteur d’un surprenant passage à l’acte dans Peppermint frappé, il ne révèlera qu’un
peu plus l’inutilité des protagonistes de Stress-es
tres-tres.
L’adultère que s’est imaginé et/ou a provoqué Fernando, il
refusera d’y faire face si ce n’est dans une rêverie finale explicite par sa
pellicule surexposée. Le rival s’y trouve harponné voire éperonné comme dans
une corrida, mais cette catharsis ne peut qu’être imaginée. Comme l’aura
souligné un dialogue, la tension qui anime Fernando ne vient pas de son amour
pour Teresa mais de la conscience de ses possessions, de sa situation
avantageuse dans lesquels il l’inclut et qu’il ne souhaite pas perdre. Peppermint frappé était une œuvre sur la
possession qu’on souhaite s’approprier, Stress-es tres-tres sur celle qu’on veut conserver, le fétichisme
du film précédent étant remplacé par le matérialisme - et où on pua toujours faire une interprétation du franquisme, le reniement remplaçant le passage à l'acte possiblement différé dans l'épilogue ambigu. L’ouverture du film avec
ses extraits d’émission de radio expliquant la notion de stress par les
nouveaux besoins et mode de vie urbain avait annoncé la couleur. Le film est
plus hermétique est difficile d’accès que Peppermint
frappé dont la forme et l’approche de thriller était plus immédiatement
séduisante, mais ne s’en avère pas moins fascinant.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
Extrait
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