Joel Goodson (Tom
Cruise) est un lycéen de Glencoe, banlieue cossue de Chicago. Ce fils unique
traverse une période difficile : ses parents ne lui laissent guère de liberté
tout en le couvant comme un gamin, il rêve d'intégrer la prestigieuse
université de Princeton, mais ses notes sont moyennes et il est d'une timidité
excessive avec les filles. Un jour, alors que les parents de Joel sont partis
en vacances pour quelques jours, son ami Miles (Curtis Armstrong) le convainc
d'appeler une call-girl dans une petite annonce pour sortir de sa coquille.
Risky Business est
le film qui fera de Tom Cruise une star, mais également une œuvre emblématique
de la mentalité 80’s. La thématique du coming
of age typique du teen movie se voit quelque peu pervertie par l’ère
reaganienne. Tom Cruise incarne un lycéen de banlieue WASP à l’avenir tout
tracé subissant l’exigence et la sévérité de ses parents. Le réalisateur Paul
Brickman développe ainsi une certaine dualité esthétique en la réalité
studieuse de Joel et ses fantasmes. Le film s’ouvre sur une scène de rêve
flottante et sensuelle suivi d’un moment plus terre à terre lors d’un partie de
poker du héros et ses amis où cette retenue introvertie éclate tant dans le
dialogue que la situation – les camarades fume cigare et ont leur bière à
portée de main quand Joel reste sobre et n’est audacieux que dans le discours
mythomane d’une coucherie à laquelle personne ne croit.
Tom Cruise précédemment
petite frappe dans le Outsiders
(1983) de Francis Ford Coppola est tout aussi crédible en jeune homme timoré, paralysé
par la pression imposé par son environnement. La liberté d’esprit et l’incertitude
bienveillante de la jeunesse hédoniste des 70’s semble avoir déjà laissée place
au carriérisme exacerbé des 80’s. Un dialogue entre le héros et ses amis quant
à leurs perspectives ne laisse aucun doute, quand Joel encore naïf rêve avant
tout de s’accomplir les autres ne cherchent qu’à s’enrichir. Le cheminement et
la maturité du personnage se feront donc en assumant à son tour cette mentalité
de gagnant.
Joel subit au départ les évènements. Le fantasme demeure
coupable – avec une hilarante tentative de masturbation avortée - et la quête
de volupté sera provoquée lorsqu’un ami commande une call girl pour lui. Le
monde du fantasme s’introduit dans le réel le temps de l’apparition mémorable
de Lana (Rebecca De Mornay) porté par les nappes de synthé de Tangerine Dream
et accompagne les ébats de Joel enfin déniaisé. La relation entre Joel et Lana,
romantique tout en étant intéressé poursuit l’ambiguïté du propos. Notre héros
est forcé par la tournure des évènements à un déniaisement moral après celui
physique, les péripéties comiques débouchant sur une « réussite »
douteuse de proxénète en herbe pour Joel. L’exercice pratique de son option « entrepreneur »
au lycée devient concret, démocratisant le dépucelage tarifé pour la jeunesse
masculine en rut de ces quartiers nantis. Tom Cruise devient littéralement dans
ce film ce VRP maître de la promo, lunette noires, petite veste et sourire toutes
dents dehors dessinant l’ambitieux impitoyable. Paul Brickman sème le trouble
entre romantisme et imagerie publicitaire dans les moments tendres, l’étreinte
dans un wagon de métro entre Lana et Joel n’étant pas loin du cliché avec l’accompagnement
du tube de Phil Collins In the air
tonight.
Le propos du réalisateur était cependant plus sincère et désenchanté avec
une conclusion initiale voulue comme plus mélancolique. Il ne sera pas entendu,
le propos du film tout en se drapant d’une morale assez hypocrite où le retour
dans le droit chemin de Joel ne signifie pas un repentir, mais une prémisse de
ses réussites futures. L’assurance potache et feinte (la scène culte où il
chante et danse en sous vêtement dans son appartement) laisse place au cynisme
assuré. De la transformation de Joel, à la présence papier glacé de Lana
(capable de moments de sincérité touchante lorsqu’elle met un terme aux
questions moralisatrices du bien né Joel) tout tend vers une certaine superficialité,
un détachement intéressé, celui de la seule réussite. Discutable mais remarquablement
amené.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire