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dimanche 3 janvier 2021

Il medico della mutua - Luigi Zampa (1968)


 Guido Tersilli est un jeune médecin, dépourvu de patients mais désireux de faire carrière. Après avoir travaillé dans un hôpital, il prend conscience de la concurrence féroce qui agite le milieu médical. Il devient astucieux et décide de séduire la femme d'un médecin de la "Mutua", sur le point de rendre l'âme et qui a dans son portefeuille au moins 2000 patients...

Luigi Zampa depuis ses débuts s’est fait l’observateur des mues de la société italienne à travers la thématique de l’opportunisme. C’est un sujet qui court dans ses premiers films personnels et plus explicitement sérieux comme Les Années difficiles (1948) et Anni facili (1953), puis dans le cadre de la comédie italienne notamment à travers sa collaboration avec Alberto Sordi entamée avec l’excellent L’Art de se débrouiller (1954). Il medico della mutua pose donc un autre jalon de cette facette en s’attaquant frontalement au système de santé italien. Luigi Zampa a la particularité, par rapport à d’autres maîtres de la comédie italienne, de ne jamais tirer son comique vers l’outrance et la bouffonnerie pour s’appuyer sur un contexte très réaliste. Ainsi le début du film fait presque office d’introduction documentaire où Guido Tersilli (Alberto Sordi) nous dépeint, chiffre à la clé, le féroce milieu médical italien.

Le jeune médecin qu’il est n’a pas accès aux patients nantis et doit donc être « conventionné », c’est-à-dire cumuler les malades sans le sou dont il gonfle les maux et les ordonnances. Plus ils sont nombreux, plus l’entreprise est rentable. Le naïf Guido découvre à quel point ce cadre est concurrentiel et comme ce système corrompu sert également les patients plus intéressés par la prescription de médicaments à peu de frais que le diagnostic. Notre héros gravit ainsi les échelons en apprenant les règles à travers un scénario aussi virulent que précise dans la satire. Se forger un carnet d’adresse nécessite une dévotion de façade et une obséquiosité bien réelle, dont Zampa ne néglige aucune étape. Guido officie ainsi en tant qu’assistant dans un hôpital pour nouer ses contacts, dont un médecin malade dont il va séduire l’épouse pour récupérer ses malades. 

Comme d’habitude Sordi est confondant d’humanité dans la petitesse. Chaque ascension sociale est une étape pour se délester un peu plus de sa conscience morale. Dès les premiers signes de réussites venus (passant souvent par un changement de voiture), il laisse derrière lui ceux (ou plutôt celles) l’ayant aidé à grimper une fois qu’elles lui sont inutiles comme sa fiancée Teresa (Sara Franchetti) ou la veuve du médecin (Bice Valori). Ce sera jusqu’à sa manière de pratiquer qui sera enfin sacrifiée sur l’autel de la rentabilité, ses plus de 2000 « clients » (puisque désormais il les voit ainsi plutôt que comme des patients) nécessitant une consultation de plus en plus raccourcie et au diagnostic minimaliste.

Zampa dépeint certes un mal spécifiquement inhérent à cette Italie du boom économique, mais c’est un individualisme qui est en germe dans l’histoire du pays (comme le montre les autres films du réalisateur) et représenté par le personnage de la mère de Guido, vrai cerveau et fil rouge du récit qui guide toutes les bassesses de son fils. Ayant tout sacrifié aux études de Guido, sa dévotion (ou là encore Zampa ne cède jamais au grotesque) maternelle peut se voir aussi de façon très cynique de rentabiliser son « investissement ». 

L’approche rigoureuse de Luigi Zampa (et son scénariste Sergio Amidei qui ramène l’acuité de ses débuts dans le néoréalisme dans un cadre de comédie) ancre sous la comédie le film dans un réalisme qui rendra sa sortie scandaleuse, les politiques s’interrogeant sur la nature fictionnelle des pratiques observées dans le récit. L’idéalisme déçu de Zampa se montre ainsi tout aussi frappant que le cynisme d’un Risi ou le joyeux désespoir d’un Monicelli, eux qui virent aussi en Alberto Sordi le portrait désabusé de leur vision de l’humanité. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

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