Une relation amoureuse triangulaire mène à la destruction de trois vies : un macho sino-thaïlandais (Alex Man Chi Leung), un prospère charpentier (Kwan Hoi San), et une migrante (Cherie Chung) qu'ils aiment tous les deux.
Clifford Choi est un réalisateur méconnu de la Nouvelle Vague hongkongaise, mais au parcours similaire de ses contemporains Tsui Hark, Ann Hui ou Patrick Tam avec des études aux États-Unis entre 1968 et 1972 puis un retour à Hong Kong où il sera producteur au sein de la chaîne T.V.B.. Sa contribution au cinéma se fera d'abord par l'écriture avec notamment la participation au script du fameux The Sword de Patrick Tam (1980). Il fait ses débuts de réalisateur au sein de la Shaw Brothers où il se spécialise dans les récits adolescents, révélant ainsi un jeune Leslie Cheung dans Teenage Dreamers (1982). Il va profiter d'un contexte où la Shaw Brothers en perte de vitesse va au début des 80's délaisser son genre de prédilection qu'est le wu xia pian en costume pour des drames plus sérieux et réalistes en faisant appel à de jeunes réalisateurs justement issus de la Nouvelle Vague hongkongaise. C'est dans ce cadre que Ann Hui va signer le mélodrame historique Love in a fallen city (1984) et que Clifford Choi pourra réaliser Hong Kong, Hong Kong.
Le film nous dépeint la péninsule sous un jour sinistre peu vu jusque-là à travers les conséquences tragiques de la migration. La Chine continentale ouvre ses frontières à la fin des années 70, occasionnant la migration massive de chinois venus chercher meilleure fortune à Hong Kong. On suivre le destin de Sin Sun (Cherie Chung) jeune migrante chinoise livrée à elle-même et qui n'a d'autres recours que de donner son corps pour continuer à habiter le misérable baraquement qu'elle partage avec d'autres démunis. Elle va faire la connaissance Yuen Sang (Alex Man), autre migrant sino-thaïlandaise tout autant dans le besoin mais, malgré l'attirance commune leur relation va d'abord en rester là. C'est en quelque sorte comme si leur situation précaire ne les autorisait pas à envisager une romance, il s'agit d'abord de survivre. Clifford Choi met en parallèle et fait s'entrecroiser le parcours de Sin Sun et Yuen Sang pour traduire une même idée, le migrant est à la merci de ceux sur lesquels il compte pour s'en sortir. Sin Sun va ainsi devoir consentir à un mariage arrangé avec un vieil ouvrier (Kwan Hoi-San) moyennant finance et la promesse de lui donner un fils, en échange de quoi elle obtiendra des papiers d'identité. Yuen Sang entame quant à lui une carrière improvisée de combattant de free fight en se plaçant sous la dangereuse protection d'un boss mafieux (Charlie Cho plus habitué aux rôles comiques et ici très intimidant et sadique). Sin Sun livre son corps au désir de son époux quand Yuen Sang soumet le sien aux brutalités du ring dans un même espoir de lendemain meilleur. Lorsqu'ils pensent tout deux toucher au but, ils vont se retrouver et entamer enfin une liaison.Clifford Choi travaille vraiment cette idée de corps assujetti à travers les nombreuses scènes de sexe. Cherie Chung adopte un jeu absent, désincarné où elle s'oublie dès qu'un homme souhaite s'approprier son corps, elle n'est que chair dont doivent se délecter ses différents "maîtres" masculins. Il en va de même pour Alex Man dont le surjeu traduit un état de tension permanente, il n'est lui aussi qu'un corps vigoureux destiné à asséner et recevoir les coups pour le plaisir des spectateurs, pour remplir le portefeuille de son boss. La mise en scène et la prestation des acteurs prend une tout autre tournure lors Sin Sun et Yuen Sang peuvent enfin donner et se délecter du corps de celui qu'ils aiment. De présence passive Cherie Chung (qui prend le risque de tourner nue pour bien traduire cette différence, élément assez rare alors pour une comédienne hongkongaise) devient actrice de ce moment charnel, et au contraire d'amas de muscles agressifs Alex Man se mue en amant doux et attentionné. Les rapports avec les "bienfaiteurs" sont bien plus artificiels et matérialistes, par les cadeaux que reçoit Sin Sun de son époux (étonnant et pathétique, Choi ne verse pas dans le manichéisme) et ses cachets donnés par le boss pour Yuen Sang. Clifford Choi marque aussi cette différence par son approche formelle. Les séquences urbaines frisent le documentaire notamment une poursuite caméra à l'épaule en début de film (là aussi même si les exceptions existent c'est très novateur à la Shaw Brothers habituée des tournage en studio), les scènes de combats de boxe oscille entre cette urgence heurtée et la presque abstraction à la Raging Bull (le combat final) tandis que les séquences romantiques prennent un tour stylisé et ouaté à travers la photo de Robert Huke, l'attention des cadrages et composition de plan de Clifford Choi. Ces moments sensuels sont des cocons, des écrins hors du temps et du chaos extérieur pour les personnages qui vont malheureusement être rattrapé par le destin.La conclusion est d'une rare violence et noirceur, un véritable voyage au bout de la nuit. La boucle que forment les scènes d'ouvertures et de conclusion, des plans aériens sur les bas-fonds hongkongais (la caméra y descend en contre-plongée en ouverture et en remonte à la fin dans un mouvement inverse), font du récit un tranche de vie miséreuse et anonyme de plus, un jeu dont les règles étaient pipées dès le départSorti en bluray hongkongais chez Celestial et doté de sous-titres anglais
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