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jeudi 11 août 2022

Winslow contre le roi - The Winslow Boy, Anthony Asquith (1948)


 Un père de famille de la classe moyenne se bat contre l'Amirauté jusqu'à la Haute Cour de justice pour faire reconnaître l'innocence de son fils accusé du vol d'un mandat postal au sein de son école militaire.

The Winslow Boy est une des grandes réussites d’Anthony Asquith et sans doute un des films anglais les plus populaires de la fin des années 40. Anthony Asquith y collabore pour la première fois avec le dramaturge Terrence Rattigan dont il adapte la pièce éponyme, avant leur autre classique commun que sera The Browning Version (1951). Jouée à partir de 1946, la pièce de Terrence Rattigan s’inspire de faits réels, à savoir l’affaire George Archer-Shee. En 1908, George Archer-Shee, adolescent de douze ans et cadet au Collège royal naval d'Osborne est renvoyé de l’établissement pour vol. Son père convaincu de son innocence et révolté par les conditions injustes de son renvoi va alors remuer ciel et terre pour qu’un jugement équitable lui soit accordé. Secouant les institutions sociales et politiques, alertant l’opinion publique et mobilisant Edward Carson, célèbre avocat de l’époque, il finit par obtenir gain de cause à travers un procès qui aura lieu en 1910 et à l’issue duquel George Archer-Shee sera disculpé. 

La pièce et le film se montrent très fidèle à ce déroulé tout en amenant une touche d’humanisme bienvenue. Nous nous immergeons dans le quotidien de la famille Winslow, alors que l’ombrageux patriarche Arthur (Cedric Hardwicke) vient de prendre sa retraite du métier de banquier à cause de son arthrite. On observe ce père sévère, vieux jeu mais aimant sous ces airs bougons dans les interactions qu’il a avec son fils aîné (Jack Watling) qu’il rabroue pour sa légèreté, ou de son cadet Ronnie (Neil North) qu'il encourage alors qu’il s’apprête à intégrer le Royal Naval College. C’est ce même caractère doux mais déterminé qui l’amène à croire et soutenir sans failles Ronnie lorsque celui-ci sera exclu. Le récit s’équilibre entre les soubresauts sur la sphère intime et publique de l’action d’Arthur Winslow en quête de justice. Par ce combat, Arthur s’oppose à l’opacité et l’arbitraire de l’institution prévalant sur les droits de l’individu.

La pièce et le film sortent dans l’immédiat après-guerre où justement cette notion d’individu surmontant notamment les clivages sociaux et sociétaux anglais est rediscutée. C’est un climat voisin de ceux des vrais évènements inspirant la fiction et Anthony Asquith en déplaçant l’action en 1912 avec l’imminence de la guerre 14-18 et y questionne un monde en pleine mutation – dans un autre registre c’est ce que fait un chef d’œuvre comme Noblesse Oblige de Robert Hamer (1949). C’est ce qui définit les deux plus beaux personnages du film. D’un côté Arthur Winslow qui sous ses airs vieux jeu ne veut pas remettre en cause le système, mais le rendre plus juste. De l’autre Catherine Winslow (Margaret Leighton) la sœur aîné suffragette déjà engagée dans une action féministe qui voit dans le sort de son frère un prolongement de son combat pour bousculer l’immobilisme de l’institution.

Peu à peu la détermination du père et de sa fille va mettre à mal les certitudes et le quotidien de la famille. En tenant bon, ils pointent l’hypocrisie du système, une nouvelle fois dans la sphère privée et public. Un fiancé plus préoccupé du discrédit de cette publicité va rompre son engagement avec Catherine, tandis qu’Arthur devra serrer les bourses de la famille pour aller jusqu’au bout de son action. La superficialité n’a pas cours dans une cause juste et va plutôt souder et faire évoluer ce microcosme, notamment le frère aîné dilettante obligé de stopper son cursus à Oxford quand son père pressé par les frais de justice ne pourra plus payer ses études. Quand le doute assaille malgré tout nos héros, la justice prend le relai sous le visage faussement froid mais impartial de Sir Robert Morton (Robert Donat) avocat chevronné qui va prendre l’affaire en main. Robert Donat est exceptionnel en professionnel glacial et roublard dissimulant une grande sensibilité. Il paraît tour à tour détaché et impitoyable (la séance d’interrogatoire serrée à laquelle il soumet le malheureux Ronnie) puis incroyablement vibrant dans les scènes de plaidoiries. La romance feutrée qui se noue entre lui et Catherine est des plus plaisantes jusqu’à une fabuleuse dernière scène.

La grande force du film réside dans sa pudeur. La modestie de l’affaire se conjugue à la grandeur de la cause. Les sphères dans lesquelles se jouent le conflit (tribunal, chambre des députés, médias) s’entrecroisent à la retenue des membres de la famille Winslow. Dès lors, Anthony Asquith maintient son récit dans une certaine réserve et dignité toute anglaise, sans céder à la facilité de l’emphase dramatique. Si contrairement à la pièce il filme quelques séquences de tribunal, le grand moment du verdict se déroule hors-champ et est rapporté par un autre personnage. Si l’affaire est allée si haut et loin, elle n’en demeurait pas moins la quête d’une dignité intime et la victoire se devait de l’être aussi. Une belle réussite qui fera un triomphe au box-office anglais et connaitra un remake tardif avec L’Honneur des Winslow de David Mamet (1999). 

Sorti en bluray anglais chez Studiocanal et doté de sous-titres anglais

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