Indien de la tribu Paiute, Willie Boy revient dans sa région natale, en Californie, afin d'y épouser la femme indienne qu'il aime, Lola Boniface. Le père et les frères de celle-ci s'y opposent catégoriquement. En état de légitime défense, Willie Boy tue le père de Lola et s'enfuit avec elle. Le shérif local, Cooper, se lance à leur poursuite puis il y renoncera devant les difficultés et les problèmes posés. Toutefois, après la mort d'un vieil ami de son père, il reprendra cette poursuite jusqu'à son terme.
Willie Boy est seulement la seconde réalisation d’Abraham Polonsky en 20 ans puisque, après de prometteurs débuts avec L’Enfer de la corruption (1948), il fut en tant que communiste placé sur la liste noire et banni d’Hollywood. Il contribua néanmoins officieusement entretemps à plusieurs scripts où il pu insérer ses thématiques progressistes comme Le Coup de l’escalier de Robert Wise (1959) ou Police sur la ville de Don Siegel (1968). Avec Willie Boy il effectue donc son grand retour avec un récit inspiré de faits réels. Le film par sa temporalité (il se déroule en 1909, la conquête de l’Ouest est passée et la modernité s’installe) est une sorte de néo western qui fait de ce statut sa problématique même.
Les circonstances du récit placent les personnages en porte à faux qu’ils cherchent à s’inscrire dans le supposé nouvel ordre amené par cette modernité, ou qu’ils s’inscrivent dans la tradition. Willie Boy (Robert Blake) est un jeune indien amoureux de Lola (Katharine Ross) mais, qu’il demande sa main à son père selon les préceptes des « blancs » ou qu’il l’enlève selon la tradition indienne, il rencontrera l’opposition de sa famille. Il a également le statut de paria dans cette petite communauté de Californie où dès qu’il sort de la réserve indienne, ses origines lui sont violemment rappelée, l’obligeant à se défendre avec véhémence. Le shérif Cooper (Robert Redford) qui va devoir le traquer est le fils d’un ancien boucher du peuple indien, ce qu’un vieil acolyte ne cesse de lui rappeler avec fierté et nostalgie. Pourtant on ressent chez Cooper une volonté de ne pas mener la traque à son terme, de laisser les amants vivre leur passion. Malheureusement le destin semble vouloir rejouer dans une société différente les clivages d’antan et la chasse à l’homme devra se poursuivre.Tous les personnages sont dans cette schizophrénie de ce qu’ils devaient ou doivent être. Lola oscille entre une existence où l’éducation blanche pourrait l’émanciper mais aussi éloigner de son homme, mais en le suivant elle s’inscrit dans les préceptes machistes de l’union homme/femme chez les Indiens. L’autre doute réside dans le fait que si elle demeure avec Willie Boy, celui-ci finira par être tué. Abraham Polonsky fait dans l’épure (notamment si on compare avec L’Enfer de la corruption plus démonstratif, ou son script pour Sang et or de Robert Rossen (1947)) pour affirmer son propos. Willie Boy n’est malgré sa toile de fond absolument pas un film politique ou livrant un message pro-indien (les westerns dans cette veine ayant plutôt la main lourde à l’époque comme Soldat bleu (1970) ou Little Big Man (1970)), nous sommes plutôt là dans un constat sociétal logique, implacable et sans issue. Robert Blake livre une prestation à la fois taciturne et à fleur de peau, plein d’assurance et écorché vif, prêt à affronter le monde tout en cherchant à s’en affranchir (notamment en évitant longtemps de devoir tuer ceux qui le traquent). Robert Redford est tout aussi captivant, lui aussi déchiré entre ses racines rustres et racistes et le dégoût de ses congénères dans cet état d’esprit. La romance ambiguë avec Liz Arnold (Elizabeth Clarke) symbolise bien ce tourment intérieur. Si le récit va à son terme dramatique attendu, toute la supposée flamboyance de la confrontation tourne court (malgré une haletante confrontation finale dans les rocheuses), tant dans l’héroïsme blanc que la noblesse indienne. Polonsky anticipe finalement la noirceur et le nihilisme de Fureur Apache de Robert Aldrich (1972)La dernière phrase de Redford, lorsqu’il se voit reprocher de ne pas avoir laissé un cadavre en pâture aux journalistes, est sans appel. Tell them we ran out of souvenirs/Dis-leur que nous n’avons plus de souvenirs à vendre. La légende qu’il vaut mieux imprimer cher à L’Homme qui tua Liberty Valance de John Ford (1960) n’a plus sa raison d’être. Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sidonis
Bonjour
RépondreSupprimerSelon moi c'est bel et bien un film politique , jugé comme tel par la critique à l'époque et revendiqué par Polonsky
Le sujet est politique mais le traitement ne l'est pas je trouve. Ce n'est pas un film spécifiquement sur le racisme, ça ne ressemble ni aux films pro-indien des années 50 ni à ceux des années 70, il y a quelque chose de plus désabusé sur la nature humaine que spécifiquement politique. C'est pour cela que je le rapproche de "Fureur Apache" de Aldrich qui est un film anti manichéen et assez inclassable sur le sujet.
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