Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 2 mars 2025

Eastern Condors - Dung fong tuk ying, Sammo Hung (1987)

Un commando d'élite est recruté parmi les “irrécupérables” des prisons chinoises afin d'organiser une mission suicide au sud du Viêt Nam. Chargés de détruire un arsenal apocalyptique abandonné par l'armée américaine dans une forteresse souterraine, ces mercenaires durs à cuire experts en armes à feu et en arts martiaux relèvent le défi avec l'espoir illusoire d'y regagner leur liberté et leur honneur perdu...

Un peu à la manière de son ami et condisciple Jackie Chan, Sammo Hung fait avec Eastern Condors un pas de côté le sortant du pur film martial. Hung s’était déjà aventuré dans la comédie policière avec les films de la série Lucky Stars (Le Gagnant (1983), Le Flic de Hong Kong (1985), Le Flic de Hong Kong 2 (1986) et hors de la série Soif de Justice (1984)) et bien sûr de la comédie horrifique dans le génial L’Exorciste Chinois (1980) mais, que ce soit dans le contexte historique des récits, le ton rigolard et la présence des acolytes Jackie Chan et Yuen Biao, on restait dans un registre relativement voisin. Alors que la persona filmique de Jackie Chan fait sa mue vers le cinéma d’aventures (Le Marin des mers de Chine (1983), Le Marin des mers de Chine 2 (1987) et Mister Dynamite (1986)) et le polar musclé (Police Story (1985), Police Story 2 (1988)), Sammo Hung entame à sa manière un virage voisin.

La comédie d’aventures survoltée Shanghai Express (1986) constitue le versant lumineux de ce renouvellement quand Eastern Condors en représente la part plus sombre. Sammo Hung propose là sa variation hongkongaise du film de commando popularisé dans les années 60/70 par des œuvres comme Les Canons de Navarrone de Jack Lee Thompson (1961) Les Douze Salopards de Robert Aldrich (1967), Quand les aigles attaquent de Brian G. Hutton (1968). Sammo Hung retient davantage l’esprit iconoclaste que patriotique du film de commando dans son approche, avec un postulat égratignant d’office les Etats-Unis, missionnant les « rebus » hongkongais pour nettoyer derrière eux les errances commises durant la guerre du Vietnam. 

Par rapport aux archétypes du film de commando, Hung expédie relativement la présentation des membres de l’escouade (un panneau dépeignant le crime initial inscrit sur leur dossier) et les caractérise en situation, en nous faisant comprendre qu’il s’agit de pauvres bougres ayant vécu des désillusions tragiques lors de leur migration aux Etats-Unis et réduits à cette périlleuse dernière chance. Au départ diversion sacrifiable à la vraie mission, ils en deviennent malencontreusement les acteurs principaux et devront affronter mille dangers pour parvenir à leur fin.

Le mélange des genres et l’art plus ou moins fin de la rupture de ton façon Sammo Hung frappe d’emblée. Après le contexte politisé au vitriol (la scène d’ouverture moquant le drapeau américain), la mort frappe le groupe très vite durant la mission et annonce un vrai chemin de croix sacrificiel. Pourtant les bons mots voire les gags sont légions dans les interactions du groupe, et il faut la menace permanente des Viêt-Cong pour faire office de piqûre de rappel pour ramener le récit à davantage de sérieux. Cet entre-deux est notamment représenté par une Joyce Godenzi (et future épouse de Sammo Hung) qui crève l’écran en guérilleros cambodgienne taciturne, et Yuen Biao en electron libre plus rigolard qui viendra s’ajouter au commando. Sammo Hung, même dans ses œuvres les plus loufoques est donc capable de rupture de ton surprenante et ici cela passe entre autres par les scènes d’action. 

Les fusillades sanglantes, les cascades périlleuses et les impressionnantes explosions pyrotechniques offrent un grand spectacle « classique » mais toujours un peu plus outré que les standards d’action moyen (l’incroyable final entre James Bond et Indiana Jones). Les combats font montre d’un mélange de virtuosité et de sadisme laissant pantois. Sammo Hung revisite avec bien plus d’inventivité le massacre d’une escouade par des combattants camouflés popularisé par Rambo 2 (1985) mais surtout orchestre une barbarie sommaire laissant pantois lors des affrontements physiques. Décapitations et coupages de membres à la machette (dont une fort déroutante lors du final), exécutions sommaires et musique emphatique flattant nos plus bas-instincts, Sammo Hung se délecte dans l’excès et est fort loin des pudeurs grand public d’un Jackie Chan.

La réalisation est des plus efficaces, le rythme alerte, l’émotion fonctionne et les éléments plus « bd » s’intègrent étonnamment bien. Ainsi Yuen Wah introduit pour la première fois sa figure de méchant précieux moustachu, mais redoutable et sadique adversaire. Le mélange d’attitudes maniérées (ce petit rire sournois) et de férocité guerrière rend le personnage mémorable (au point que certains spectateurs le pensaient interprété par un Japonais sans reconnaître l’acteur) et d’autant plus délectable le sort que lui réserve Sammo Hung. En définitive les penchants les plus douteux de Hung (nationalisme, machisme) se fondent dans un dosage habile rendant les écarts aussi surprenants que jubilatoires. 


 Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan