Giorgia, jolie femme-objet, épouse
modèle, assiste par hasard à un congrès de femmes en colère. Le soir
même pour la première fois, elle entend des voix, une voix plus
exactement, à laquelle elle ne peut résister et qui lui ordonne des
choses invraisemblables qu'elle regrette aussitôt après les avoir faites
: écraser une cigarette dans l'œuf que prenait son pacha de mari au
petit déjeuner, érafler sa précieuse voiture, lui avouer une
inexplicable liaison avec un peintre de bâtiments des plus frustes,
essayer de le noyer..
Gli ordini sono ordini
est une adaptation d'un roman d'Alberto Moravia où comme souvent dans
l'œuvre de ce dernier il est question de critique envers les travers de
la société italienne. Le sujet sera ici la place et l'émancipation de la
femme à l'aune de l'évolution des mœurs en ce début des 70's à travers
le parcours d'une femme au foyer soumise incarnée par Monica Vitti.
Giorgia (Monica Vitti) est une épouse modèle dont l'existence est
entièrement soumise à la satisfaction de son mari. Lui préparer son
petit déjeuner et œuf sur le plat comme il aime le matin, rendre la
maison impeccable et faire les courses du dîner préparé avec amour pour
le soir et écouter religieusement son homme raconter son harassante
journée de travail dans bien calé dans le fauteuil.
Tout est
parfaitement agencé dans ce petit programme (le câlin, toujours le
samedi inclus) sauf ses désirs et sentiments à elle. Giraldi met en
place toute sorte de petit gimmick et situations humiliante pour
illustrer la soumission de Giorgia tel se monologue quasi publicitaire
sur les meilleurs lessive en ouverture, la goujaterie hilarante du mari
joué par Orazio Orlando qui s'endort quand sa femme lui raconte sa
journée et feuillète sans scrupule des revues pornos dans le lit
conjugal.
Giorgia subit la situation en épouse docile respectueuse de la
tradition mais la rébellion viendra de son inconscient. Un étrange
sifflement annonce alors à plusieurs reprises l'intrusion d'une voix
dans son esprit qui l'incite aux actes les plus insensés : allumer puis
coucher avec le premier venu, punir le comportement odieux de son époux
en le jetant à la mer ou en rayant sa voiture (ce dernier point le
fâchant plus que l'adultère !). Elle va tout perdre de sa "confortable"
situation mais peut-être gagner enfin une vraie raison de vivre à
travers son parcours initiatique et sa quête d'elle-même.
La
première partie est parfaite de drôlerie et d'invention, la suite peine
un peu plus à convaincre à cause des situations très quelconques dans
lesquels sont placés l'héroïne. Pourtant les bonnes idées sont là mais
trop timorées dans l'ensemble. On a ainsi un bref interlude rural où la
situation semble plus arriérée encore avec ses femmes choisies et
mariées comme du bétail aussi drôle que glaçant mais peu approfondi.
L'émancipation doit être d'ordre sexuel aussi avec une Giorgia assumant
sa libido mais il n'y a ni folie ni vrai plaisir qui se dégage de ces
séquences trop brèves (surtout si on compare avec l'extraordinaire
L'Amour à cheval
est bien plus profond sur des thèmes voisins sous son aspect coquin).
Du côté professionnel non plus pas grand intérêt alors qu'une
photographie même comique des femmes désormais bien installées dans le
monde du travail aurait pu être explorée mais c'est à peine survolé.
La remise en causes des idéologies libertaires est par contre réussie
comme lorsque Giorgia en couple avec un artiste se rend compte qu'il la
néglige et la traite en domestique tout autant que son époux (plaçant ce
machisme dans les gènes du mâle italien d'où qu'il vienne) et un
libertinage pas toujours acceptable pour cette vraie amoureuse. Le film a
un rythme assez poussif faute de moments accrocheurs et fouillés (et la
géniale idée de la voix off est finalement trop peu utilisée) mais
heureusement l'épatante prestation de Monica Vitti rattrape pas mal les
défauts.
Elle a effacé toute l'élégance et la sophistication dont elle
est capable pour ce personnage un peu gauche et ahuri qui s'impose
progressivement dans ses choix. Elle est très attachante dans sa
maladresse sollicite toute l'inspiration de Franco Giraldi (ancien
assistant de Sergio Leone et réalisateur de western spaghetti reconverti
dans la comédie) et du directeur photo Carlo Di Palma (alors compagnon
de Monica Vitti) qui la mette diablement en valeur et avec un grand
naturel pour accompagner cette prestation fraîche et spontanée.
Il est
vraiment dommage que le film soit si décousu, notamment une longue
poursuite en voiture finale dont on se demande ce qu'elle vient faire
là. On préférera se souvenir de la dernière image où une Monica Vitti
boiteuse s'éloigne néanmoins seule et libre vers de nouvelles aventures
et expérience où elle s'accomplira enfin, , hors des passages piétons et des sentiers battus.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo
Extrait
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