En 1944, le capitaine Davenport est
charge d'enquêter sur le meurtre du sergent Waters, un homme de couleur.
Mais dans cette caserne ou règne une terrible ségrégation, il rencontre
les pires difficultés pour mener à bien sa mission. Car Davenport est
noir. Le trouble sera d'autant plus grand lorsqu'il découvrira l'étrange
personnalité du sergent Waters.
Au croisement du polar, du film social et du récit militaire,
A Soldier's Story est une des grandes réussites de Norman Jewison pour un projet qui lui tenait particulièrement à cœur. Le film adapte
A Soldier's Play,
pièce de Charles Fuller (également au scénario) récompensé du Prix
Pulitzer en 1982. Le sujet controversé et le faible potentiel commercial
de cette histoire vit les portes des studios se fermer sur Jewison qui
finit par convaincre Columbia en échange d'un budget dérisoire de 5
millions et d'un salaire syndical. Le casting sera dominé par le
fraîchement nominé aux Oscars (pour
Ragtime)
Howard E. Rollins Jr et on retrouvera en partie la distribution de la
pièce lorsqu'elle fut jouée off-Broadway avec Adolph Caesar, William
Allen Young et un Denzel Washington débutant qui crève déjà l'écran.
L'intrigue
nous plonge dans la terrible ségrégation régnant au sein de l'armée
américaine dans les années 40 et se déroule au sein d'une caserne
réservistes de soldat afro-américain dans le sud des Etats-Unis. Le film
s'ouvre sur l'assassinat du sergent Waters, officier noir dont la mort
va raviver les tensions régnant entre soldats blancs racistes et noirs
bien décidés à venger leur supérieur. Contre tout attente un officier
noir, le capitaine Davenport (Howard E. Rollins Jr) est dépêché de
Washington pour mener l'enquête et va se heurter à la méfiance des deux
parties. A travers une narration en flashback remarquablement menée par
Jewison, le manichéisme attendu se teinte d'une vraie ambiguïté avec le
portrait peu reluisant se faisant progressivement du défunt. Le racisme,
les discriminations et le mépris des blancs sont bien exposés, mais
c'est plus ses conséquences sur l'attitude de la communauté noire qui
intéresse ici Jewison.
Waters s'est élevé au sein de l'armée à la force
du poignet en cherchant toujours à se montrer plus exigeant envers
lui-même, s'affirmer aussi capable que les blancs et renforcer le statut
de sa race. Cette intransigeance amène paradoxalement une forme de
"racisme" envers ses congénères moins ambitieux,
notamment le personnage de C.J. Memphis (Larry Riley) sorte de cliché du
noir costaud, simple d'esprit et musicien inné. C'est bien sûr le point
de vue de Waters dans ces retours en arrière qui amène cette vision biaisée (dont une scène à la Ford où le décor s'obscurcit et l'isole pour
déclamer ses tirades haineuses Jewison usant bien de l'origine
théâtrale du film), Jewison dépeignant à l'inverse avec une belle
ferveur les séquences musicales dans les bars noirs (dont une mémorable
apparition de la chanteuse (Patti LaBelle).
Le film dépeint une
terrible impasse puisque pour les soldats noir de la garnison, puisqu'une même volonté de progression débouche un conflit sanglant pensée extrême. L'appel du drapeau et le combat au
front semble être un motif de rassemblement (les dialogues montrant
l'attente des soldats d'être enfin appelés et la triomphale marche
militaire finale) mais il faudra que le corps soit purifié en résolvant
le crime.
L'ensemble est captivant, narré avec brio par Jewison et
surtout remarquablement joué. Howard E. Rollins Jr (qui restera lié à
Jewison en étant le héros de la transposition télévisée de son
Dans la chaleur de la nuit)
impose un sacré charisme en officier noir, sensible et autoritaire et
arborant une fière allure telle sa scène d'arrivée le torse bombé et les
lunettes noires. Adolph Caesar en supérieur hargneux anticipe l'affreux
Lee Ermey de
Full Metal Jacket,
tout en intimidation et insultes fleuries pour un personnage aux bonnes
intentions mais que les penchants extrêmes rendent ambigu.
Enfin
seulement troisième rôle cinéma pour Denzel Washington qui vole la
vedette à chaque apparition avec ce soldat rebelle et ténébreux. Pour
les rares bémol la bande-son de Herbie Hancock, parfaite quand elle se
teinte de la langueur authentique de ce blues du sud mais un peu hors
sujet quand pointent des sonorités funky 80's. Très bon film et un sujet
abordé de manière différente et passionnante.
Sorti en dvd zone 2 français chez Columbia
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