Serge vit dans un
hameau isolé du Jura, séparé de sa femme. Il répare des autos dans son atelier,
et rencontre un jour Georges, avec qui il se liera d'amitié...
Passe montagne est
un premier film à l’image de la singularité de Jean-François Stevenin. Il
gravit les échelons en effectuant tous les métiers, de technicien à
assistant-réalisateur pour des réalisateurs comme Jacques Rivette ou encore
François Truffaut qui repère en lui un potentiel d’acteur et le fait jouer dans L'Enfant sauvage (1970), Une belle fille comme
moi (1972), La Nuit américaine
(1973) jusqu’à la prestation marquante de L’Argent
de poche (1976). Truffaut décèle les futures aspirations de son
collaborateur l’intéressé, qui prend donc son envol avec la réalisation de Passe montagne. Stevenin fait ses
classes avec Jacques Rozier dont les tournages libres et en petit comité l‘ont
séduit. On sent la parenté de Du côté d'Orouët (1973) ou Les Naufragés de l’îlede la tortue (1976) dans la capture d’un lieu et les velléités d’échappée
libertaires dans Passe montagne que Stevenin
tourne dans sa région natale du Jura.
On y suit la rencontre entre deux solitudes, Serge
(Jean-François Stevenin) mécanicien local et Georges (Jacques Villeret) architecte
parisien tombé en panne de voiture dans la région. Le premier aide le second
avant qu’une amitié inattendue et une quête improbable les emmène vers joyeuse
errance. On retrouve cette idée de lâcher prise avec les vicissitude et l’urgence
de la civillisation à travers un Georges agacé puis séduit par le périple,
Stevenin adoptant un rythme et une narration lâche susceptible de faire surgir
l’impromptu et la poésie au fil des pérégrinations comme le feraient les
hasards de la vraie vie – même si l’écriture et le tournage furent plus
maîtrisés que ne le laisse croire le côté foutraque du film. Les deux acteurs
sont complémentaires et attachants et formellement Stevenin capture
merveilleusement la beauté verdoyante et l’immensité des montagnes jurassiennes
lorsqu’on en reste au simili road-movie. Le problème réside dans toutes les
séquences où Stevenin cherche à concevoir des moments singuliers, des
interactions avec les locaux rencontrés.
Ces passages ne présentent ni des
personnalités, ni des situations suffisamment marquantes dans ce parti-pris
spontané pour nous intéresser réellement. Le côté naturaliste dessert même l’ensemble
dans la prise son étrange où les dialogues vont de l’inaudible à l’incompréhensible
lorsqu’interviennent accents et/ou patois locaux, sans que cela soit surmonté
par les évènements quelconques ou les figures croisées. C’était justement le
sel d’un Jacques Rozier de glisser une fantaisie dans l’inattendu du quotidien
qui revêtait progressivement un dessein plus vaste, la capture d’un lieu, d’un
mode de pensée. Là difficile de savoir où l’on va malgré l’indéniable
originalité de traitement, hors des canons classiques du cinéma français. L’essai
sera peut-être transformé avec le second essai à la réalisation de Stevenin
entre-temps retourné à la comédie, Double
messieurs (1986).
Sorti en dvd zone 2 français chez Le Pacte
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