Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 5 septembre 2024

High Spirits - Neil Jordan (1988)


 Peter Plunkett est le propriétaire d'un vieux château irlandais transformé en maison d'hôtes. Endetté auprès d'un homme d'affaires américain, Plunkett décide de transformer le château en attraction touristique en faisant jouer les fantômes à ses employés. La supercherie est vite découverte, mais le château s'avère également abriter de véritables fantômes.

En cette année 1988, il y avait sans doute un film de trop entre le Beetlejuice de Tim Burton et High Spirits de Neil Jordan, les deux films œuvrant dans la comédie fantastique sur fond de maison hantée et de fantômes. Neil Jordan signait là son premier film américain (même si dans le cadre d'une coproduction entre l'Irlande et l'Angleterre) et allait malheureusement rencontrer un échec cuisant au box-office, avec la frustration d'avoir été privé du final cut durant la postproduction. Le scénario suit une tonalité entre tradition gothique et regard plus distancié et ironique, les deux s'équilibrant par le mélange de pure loufoquerie et de romantisme. Cela se tient par l'argument voyant le châtelain irlandais ruiné Plunkett (Peter O'Toole) tenter d'éponger ses dettes en transformant son château en ruine en hôtel supposément hanté. Un peu à la manière de Beetlejuice justement, les hôtes qu'il va attirer le temps d'un séjour improvisé sont trop au fait des codes de l'épouvante (les enfants évoquant Les Griffes de la nuit de Wes Craven), trop "américains" et cyniques, ou trop autocentrés sur leurs petits problèmes futiles pour ressentir le moindre effroi en ces lieu.

Les efforts maladroits de Plunkett et de son personnel pour mettre en scène des manifestations spectrale donne lieu à des séquences extravagantes, spectaculaires et gentiment coquines qui surprennent, la filmographie de Neil Jordan ne nous ayant jusque-là pas habitué à ce genre d'humour splapstick décomplexé - même s'il renouvèlera avec le même insuccès commerciale la tentative avec Nous ne sommes pas des anges (1989) son second film américain. Le casting est génialement outré dans ses performances, notamment Peter O'Toole totalement naturel en vieux dandy alcoolique, Beverly D'Angelo en américaine moderne dépressive. La durée resserrée (à peine 1h30) du film empêche de mieux caractériser les autres personnages aux backgrounds potentiellement intéressant (le couple improbable entre l'aspirant prêtre joué par Peter Gallagher et la vamp incarnée par Jennifer Tilly) ou de creuser la satire en germe avec ce parapsychologue (Martin Ferrero) faisant de l'occulte un commerce, et qui va rapidement démasquer la supercherie.

Lorsque de vrais fantômes finissent par faire leur apparition, Neil Jordan jongle habilement entre une tradition de fantastique britannique décalée (façon L'Esprit s'amuse de David Lean (1945)) et authentique romance gothique. Le réalisateur renoue là avec un des thèmes majeurs de sa filmographie, le questionnement de la réalité du mythe, de la fable et du conte, ainsi que son influence sur les individus, thèmes explorés dans La Compagnie des loups (1984), Nous ne sommes pas des anges (1989), Entretien avec un vampire (1994), La Fin d'une liaison (1999) ou Ondine (2009). Seul hôte bienveillant du château, Jack (Steve Guttenberg) sera le premier à distinguer les fantômes, et s'émouvoir du sort de Mary (Daryl Hannah) revivant depuis 200 ans l'assassinat que lui infligea son époux (Liam Neeson) durant la nuit de noce de leur mariage arrangé. Jack parvient momentanément à stopper la boucle meurtrière, et va tomber amoureux d'une Mary à la douceur aux antipodes de la froideur de sa vraie épouse Sharon (Beverly D'Angelo). 
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L'équilibre entre la noirceur de ce romantisme morbide et la veine burlesque du film fonctionne plus ou moins bien. Le sort funeste de Mary revivant éternellement son assassinat rappelle la malédiction d'une perpétuelle réminiscence chez les êtres surnaturels de Jordan (Kirsten Dunst piégée dans un corps d'enfant avec des désirs de femme adulte dans Entretien avec un vampire, Gemma Aterton traversant les siècles en étant conditionnée à rester une prostituée dans Byzantium (2013), mais l'on sent aussi de grosses compromissions altérant l'originalité du film. La dynamique entre Jack et Mary n'est ainsi pas sans rappeler dans sa naïveté le Splash de Ron Howard (1984), premier grand succès de Daryl Hannah où elle formait un couple candide et décalé avec Tom Hanks. La noirceur et la sensualité qui traversent l'ensemble détonne néanmoins pour ce genre de comédie grand public, tant dans certaines situations (littéralement une scène de sexe quasi-nécrophile) qu'un propos qui heurterai sans doute plus un public contemporain (l'attirance de Sharon pour le fantôme Liam Neeson, assassin de son épouse certes mais plus viril et attirant que Jack).

Formellement le tout baigne dans un bel écrin gothique, avec malgré le côté décalé et parfois décalé une superbe direction artistique, entre les vues majestueuses du château réhaussées par les matte-painting de Derek Meddings, la photo d'Alex Thompson baignant dans une atmosphère british brumeuse et menaçante - ainsi qu'un beau score de George Fenton, compositeur fétiche de Jordan. La pyrotechnie des effets spéciaux modernes dénote presque avec ses morceaux de bravoures à la Poltergeist ou Ghostbuster. Mais là encore, dès que le côté romantique, gothique et torturé prend le pas c'est très prenant avec les apparitions saisissantes de Daryl Hannah, sa présence vulnérable et un travail habile dans le maquillage et les éclairages pour donner une teinte tour à tour spectrale, pourrissante ou éclatante à sa peau - et mettant ainsi à l'épreuve l'attirance et l'amour de Jack. Donc imparfait sur plusieurs points (on comprend que ce soit Beetlejuice qui ait remporté le jackpot) mais très singulier et ne manquant pas de charme.

Disponible en streaming sur Mycanal ou sorti en bluray anglais

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