Dans un futur
lointain, "gentil" JP et d'autres coureurs automobiles s'affrontent
pour gagner la course clandestine qui se déroule une fois tous les 5 ans
quelque part dans l'univers : Redline. Dans cette course, tout est permis et
les véhicules sont tous modifiés pour anéantir les adversaires et dépasser les
limites de la vitesse.
Redline est le
premier film longuement attendu (près de sept ans de production) de Takeshi Koike,
véritable prodige de l’animation japonaise. Le talent de Koike s’était
jusque-là signalé sur des formats courts qui avaient marqués les esprits, que
ce soit le segment animé du Kill Bill
Volume 1 (2003) de Quentin Tarantino, le mémorable segment Record du Monde de l’anthologie
Animatrix (2003, courts métrages animés inspirés de l’univers de Matrix). On pouvait y deviner son
attirance pour la SF, l’expérimentation visuelle mais aussi l’attrait pour une
certaine esthétique pop présente également dans les séries d’animation
auxquelles il a participé (Afro Samurai,
Samurai Shamploo). Tout cela fusionne
à merveille dans ce déjanté Redline
qui semble être une réponse outrancière au mémorable Speed Racer (2008) des Watchowski.
JP « le gentil » est un coureur automobile engagé
dans une course interplanétaire aboutissant à la Redline, épreuve ultime se
déroulant tous les cinq ans. Une course où tous les coups sont permis, les
véhicules surdimensionnés et à l’armement lourd étant à l’image des
participants haut en couleur. Engagé dans la dernière course qualificative pour
la Redline, JP bien que sachant son sort scellé (il doit faire illusion et
perdre dans une magouille mêlant son mécanicien à la mafia) semble l’oublier
dans la spectaculaire ouverture. Mise en scène virtuose, collisions
spectaculaires et inventivité dans le design comme l’arsenal des véhicules nous
entraînent dans un maelstrom de vitesse mémorable.
Au look et attitudes agressifs de
ses adversaires JP répond par une dégaine rétro et une mélancolie qui ne semble
s’estomper que dans l’ivresse de la course. Notre héros semble donc y croire et
est galvanisé comme jamais jusqu’à ce que comme prévu sa voiture le trahissent
au pied de la ligne d’arrivée, touchant la victoire du doigt. Celle-ci sera
dévolue à la belle Sonoshee McLaren. Eblouit par sa prestation, le public
repêche pourtant JP qui va pouvoir participer à la Redline. Celle-ci se
déroulera sur la planète militarisée et totalitaire de Roboworld dont les
belliqueux habitants vont tout faire pour saboter.
Le héros par son côté sentimental est très réussi et
attachant, notamment par sa volonté de courir avec une voiture sans armes et
préférant gagner « à l’ancienne » par ses seuls talents de pilote. Il
rejoint ainsi Sonoshee, mettant tout son cœur à cette course qui est un rêve d’enfance.
Koike entoure leur relation d’un romantisme sobre s’exprimant dans cette
passion commune et réussit à émouvoir sous la débauche de couleurs bariolées et
de stylisation extrême. Tous les coureurs sont caractérisés dans cette idée d’un
lien fusionnel à leur véhicule, sentimental pour notre couple mais aussi
mécanique pour l’impressionnant Machine Head Testujin voir magique les sœurs Bobos
et Boboi. On retrouve cette idée dans le régime militaire de Roboworld à l’arsenal
guerrier biomécanique. Passé la première course, on savoure ainsi la découverte
de cet univers foisonnant de détails (Koike multipliant les lieux, créatures et
atmosphères improbables et inventifs) prenant le temps de tisser les liens naissant
ou le passif entre les personnages.
Il fallait bien cela pour se sentir totalement impliqué par
la grande course finale. Takeshi Koike y déploie toute sa maestria à travers d’impressionnants
rebondissements où la course se mêle à la bataille rangée menée par Roboworld.
Le sentiment de danger et l’adrénaline s’expriment par des véhicules, pilotes
et parcours qui se ploient et se déforment littéralement par la seule force de
l’ivresse et la douleur de la vitesse. Les sept ans de production se justifient par le perfectionnisme de Koike qui dessine lui-même tout les intervalles, et Redline
a ainsi l'honneur d'être le dernier film de japanime animé à
l'ancienne, sans le moindre effets numérique. Pour s'en convaincre il
suffit de faire défiler le film image par image et l'on constatera que
chaque dessin, même figé, ne comporte aucune perdition dans la finition
du décor ou des personnages. Une véritable prouesse où Koike reprend les effets qu’il
utilisait pour exprimer le dépassement de soi du coureur du court Record du monde mais le tout dans un
tourbillon de son et lumière qui rend l’expérience psychédélique.
Il n’atteint
cependant pas tout à fait la grandeur du stupéfiant final de Speed Racer, le côté sensoriel
(incroyablement intense il faut le reconnaître) supplantant l’accomplissement
émotionnel du film des Watchowski (mais qui surclasse dans l'ivresse chaotique le récent et surestimé Mad Max Fury Road). On reste cependant accroché à son siège dans
un mémorable finish au forceps amenant une superbe conclusion romantique. Une
sacrée expérience.
Sorti en dvd zone 2 français chez Kaze
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