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mardi 26 mars 2024

Un bourgeois tout petit petit - Un borghese piccolo piccolo, Mario Monicelli (1977)


 Modeste fonctionnaire à l'approche de la retraite, Vivaldi veut caser son fils dans l'administration. Un drame survient, qui l'entraîne dans une spirale de vengeance.

Un bourgeois tout petit petit est une œuvre participant au stade terminal de nihilisme, désespoir et noirceur affectant la comédie italienne en cette fin des années 70. Durant cette décennie marquée par les scandales de corruption, le crime et le climat d’instabilité provoqués par les attentats des brigades rouges, tous les éléments ironiques et caustiques parcourant la comédie italienne des années 60 prennent un tour plus sinistre. Un bourgeois tout petit petit apparaît ainsi comme une variation des grandes comédies voyant Alberto Sordi incarner tous les pans de la petitesse humaine ordinaire en reflet des évolutions de la société italienne. Des films comme Il Boom de Vittorio de Sica (1963), Une Vie difficile de Dino Risi (1961), Le Veuf de Dino Risi (1959), L’Art de se débrouiller de Luigi Zampa (1954) personnifient Sordi en grand ambitieux, veule et lâche prenant le pli de l’opportunisme inhérent au miracle économique italien.

Un bourgeois tout petit petit prolonge cette figure associée à Sordi, sur un registre plus vieillissant et pathétique permettant à l’acteur d’exploiter un registre dramatique déjà magnifiquement exploité dans Mafioso d’Alberto Lattuada, Détenu en attente de jugement de Nanni Loy (1971). Le jeune arriviste aux longues (le génial sketch Guglielmo il dentone du film Les Complexés (1965)) est devenu un bourgeois approchant la retraite et reportant désormais sa modeste ambition sur son fils Mario (Vincenzo Crocitti) fraîchement diplômé comptable et qu’il veut placer au sein de son service au ministère. Toute la première partie est une merveille de comédie caustique nous montrant un ministère baignant dans l’immobilisme, de la promiscuité de ses bureaux jonchés de dossier à ses employés fainéants passant davantage de temps à s’invectiver que travailler. 

Monicelli représente l’arrivisme de Vivaldi (Alberto Sordi) de façon brillante. Il y a tout d’abord la métaphore routière lorsque Vivaldi se rend à son travail en voiture et s’avère un automobiliste sournois qui use de tous les raccourcis possibles pour arriver plus vite, vole sans vergogne la priorité en place de parking. Une fois au ministère, les ronds de jambes et la corruption auprès des supérieurs s’avèrent forts utiles également pour un léger coup de pouce. Sordi excelle dans ce registre obséquieux et risible, son avancement médiocre contrastant avec ses efforts, notamment lorsqu’il introduit son fils aux huiles de son service. Néanmoins Vivaldi est à sa manière un « croyant » d’une forme de méritocratie à son échelle et voit effectivement, à travers les cercles francs-maçons, les portes timidement s’ouvrir pour sa progéniture. Sordi a toujours cette bonhomie et satisfaction pathétique qui l’humanise, notamment lorsque l’on découvre le train de vie plus que modeste de ce fonctionnaire assidu depuis trente ans.

Alors que l’on pense naviguer en terres bien connues, un évènement tragique à mi-parcours change totalement la tonalité du récit. Aux espoirs fous et menus efforts qu’ils réclament cèdent la douleur du deuil, les tourments de l’absence. Si le cœur et cupidité peuvent être apprivoisés pour atteindre de timides sommets, le destin frappe quant à lui au hasard et impitoyablement. Monicelli propose une variation douloureuse de la première partie. Vivaldi doit de nouveau faire face à un système corrompu et encombré (l’embouteillage de cercueil en attente de place pour une tombe) pour un retour qui n’a plus rien de satisfaisant. 

Les raccourcis qu’il prenait dans l’idée d’un avenir meilleur pour lui et les siens vont désormais prendre le chemin d’une impossible et plus immédiate satisfaction, celle de la vengeance. Sordi est terriblement touchant dans ce nouveau registre éteint et dévasté, où l’étincelle d’antan ne ressurgit que pour l’éloigner de son humanité. La truculence latine et la complicité avec son épouse Amalia (Shelley Winters) s’estompe pour ne plus laisser que deux êtres auxquels on a arraché tous le fruit de leurs efforts, la joie qui devait illuminer le dernier acte de leurs vies. La conclusion nous laisse sur une impression glaciale d’un homme n’ayant plus que la hargne et la rancœur comme moteur de survie.  

Sorti en dvd italien

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